Bad experience
1er novembre 2022. Je souffre tant que je veux mourir devant mes enfants accourus dès mon appel. Ma poitrine est un champ de labour qu'une machine infernale aux lames tranchantes parcourt de long en large, mon bras droit semble sur le point de s'arracher sous la torture d'un écartèlement exécuté par un bourreau invisible.
Ceux qui ont subi un infarctus savent. Sauvée in extrémis au bout de huit heures de souffrances abominables. Et le destin de vivre encore.
Dès mon tranfert des soins intensifs à une chambre en cardio, au bout de quatre jours de flottement et d'errement à la fois du corps et de l'esprit, j'ai réclamé mon appareil photo et des livres. Je me suis précipitée sur les oeuvres d'Annie Ernaux à qui on venait de décerner le prix Nobel de Littérature. Ce furent deux points d'une stratégie salvatrice rapidement envisagée pour résister à toute offensive éventuelle d'un abbatement à venir. La fenêtre de la chambre est ainsi devenue le viseur, le cadre et le point de vue unique mais encore gérable d'un nombre conséquent de photos durant mon séjour. Je scrutais la rue , les toits alentours et "zoomais" au-delà. Il fallait voir la rue mener son existence propre, les passants passer, les véhicules circuler, il fallait être certaine d'appartenir encore au monde des vivants. Et puis je prenais aussi le temps de regarder le personnel s'affairer autour de moi et de ma voisine.
Ce sont leurs mains qui retenaient mon attention. J'ai considéré qu'elles concentraient sur elles le savoir-faire, la disponibilité, le dévouement, toutes ses choses auxquelles l'on aspire quand une fragilité, un choc brutal vous précipite dans ce lieu appelé hôpital et que l'on mesure à quel point ces mains nous deviennent indispensables. Le personnel se prêta aimablement à mon projet, y compris le cardiologue présent dans la chambre au moment opportun .
Pas un tour de force, le résultat étant bien modeste, mais les circonstances particulières l'auguraient. Et puis, j'ai laissé beaucoup de temps au temps pour revenir sur ces instantanés de vie pris lors de ce que j'appelle 'un accident', un accident de ceux qui parfois vous coûtent la vie...
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